Éducation : Quel humanisme voulons-nous construire ?

Samedi 9 juin, 11h00-12h30 – (Table ronde n°3)

Modérateur Jean LEBRUN, journaliste, France Inter
Intervenants :
Emmanuèle CAIRE, professeur de langue et littérature grecques de l’Université Aix-Marseille, directrice du centre Paul-Albert Février, vice-présidente de l’AGAP-CNARELA,
Pascal CHARVET, professeur honoraire de chaire supérieure de lettres classiques, ancien inspecteur général de l’éducation nationale, ancien directeur de l’ONISEP et ancien vice-recteur de la Polynésie française,
Christine GUIMONNET, professeur d’histoire-géographie au lycée Pissarro de Pontoise, secrétaire générale de l’APHG,
Sylvie PITTIA, professeur d’histoire romaine de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, vice-présidente de la SoPHAU,
Michael RAINER, professeur d’histoire du droit à l’Université de Salzbourg.

La situation des jeunes enseignants-chercheurs, un sujet d’avenir pour les États généraux de l’antiquité ?
Jeunes enseignants-chercheurs en Lettres classiques, en Histoire ancienne ou en Archéologie (doctorants, docteurs, maîtres de conférences, chargés de recherche, enseignants titulaires de l’enseignement secondaire), nous souhaiterions attirer l’attention des organisateurs et des participants aux États généraux de l’Antiquité sur la situation des doctorants et jeunes docteurs en Lettres classiques, en Histoire ancienne et en Archéologie, qui subissent de plein fouet la réduction du nombre de postes de maîtres de conférences disponibles (principalement dans les sections 8, 17 et 21), et de chargés de recherche CNRS (essentiellement dans les sections 32 et 35). Nous constatons, année après année, le rétrécissement des perspectives qui leur sont offertes ; la frustration et la détresse de ceux qui, malgré un parcours brillant, ne parviennent pas à trouver des débouchés à la hauteur de leurs compétences, ou qui voient leurs conditions de travail se dégrader. Cette situation dramatique remet en question le sens même de nos activités de recherche et de transmission, les nôtres, mais également celles de ceux qui nous ont formés. La situation actuelle de nos disciplines, souvent minoritaires au sein des établissements d’enseignement secondaire et supérieur, favorise la désorganisation des filières à tous les niveaux et les rend de moins en moins attractives aux yeux des étudiants, créant ainsi un cercle vicieux. À titre d’exemple, pour ce qui est du nombre de postes de maîtres de conférences ouverts en section 8, on obtient, pour les 5 dernières années, les chiffres suivants (qui, sauf erreur de notre part, ne sont pas publiés en ligne, et que nous avons obtenus par recoupement d’informations) : 2018 2 en latin, 2 en grec 2017 3 en latin, 1 en linguistique ancienne, 1 en théâtre 2016 1 en grec, 2 en latin 2015 0 en grec, 1 en latin 2014 1 en grec, 4 en latin Ces chiffres sont à replacer dans un tableau plus large. D’après les statistiques publiées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, entre 2004 et 2014, le nombre de postes d’enseignants-chercheurs (maître de conférence et professeur des universités) mis au concours, toutes sections confondues, a baissé de 32 % (source : rapport sur la campagne de recrutement et d’affectation des maîtres de conférences et des professeurs des universités, session 2014). Au CNRS, qui recrute environ 300 chargés de recherche et 300 ingénieurs de recherche par an, toutes sections confondues, les recrutements pérennes sont en baisse de 10 % pour la période 2008-2018 (« le niveau d’emploi global a baissé au CNRS de quelque 10 % en dix ans», Alain Fuchs, ancien président du CNRS – source : http://huet.blog.lemonde.fr/2017/10/30/le-requisitoire-dalain-fuchs- quittant-le-cnrs/). Parallèlement à cette diminution, l’on assiste à une augmentation du nombre d’enseignants non titulaires, dont il est très difficile d’évaluer le nombre exact, aucun recensement n’ayant été fait à ce jour. Le rapport du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la répartition des enseignants dans l’enseignement supérieur en France en 2015-2016 donne un pourcentage de 24 % d’enseignants non permanents, mais ce chiffre n’inclut pas les chargés d’enseignement vacataires. En comparaison, on comptait en 2015-2016 14 % d’enseignants du second degré affectés dans l’enseignement supérieur, 39 % de maîtres de conférence, et 22 % de professeurs des universités. Cette multiplication des statuts précaires, qui va de pair avec la diminution du nombre de titulaires, désorganise le travail des équipes et nuit à la continuité du travail scientifique et pédagogique, en plus du coût humain très élevé qu’elle occasionne pour les personnes concernées. Dans ces conditions, ne serait-il pas opportun que la prochaine édition des États généraux de l’antiquité intègre une session portant précisément sur les perspectives des jeunes enseignants-chercheurs en Sciences de l’antiquité ? Un grand nombre d’entre eux se voient affectés dans l’enseignement secondaire, ce qui rend très complexe la poursuite de leur parcours de jeune chercheur. La situation en France complique en outre leur contribution au développement international des disciplines concernées. Comment, dans ces conditions, leur permettre de continuer à valoriser leur recherche et les compétences scientifiques de haut niveau qu’ils ont acquises, au terme d’un parcours hautement sélectif ? La réponse ne peut s’envisager qu’à l’échelle de tout l’enseignement supérieur. Elle implique d’augmenter fortement les recrutements, mais aussi de refonder l’articulation des disciplines liées à l’Antiquité avec les autres disciplines universitaires. Elle pourrait commencer par la création d’un observatoire des postes publiés et des procédures de recrutement au sein des sections 8 et 21, sur le modèle de ce qui se pratique déjà dans d’autres disciplines sinistrées, comme la philosophie (voir à ce sujet le suivi des recrutements effectué au sein de la section 17 sur le site https://academia.hypotheses.org/suivi-des-recrutements-2017-8/17-philosophie-campagne-2017- 8). La section 21 du CNU a d’ailleurs déjà voté une motion en ce sens en janvier 2017 : « soucieuse de favoriser la plus grande transparence dans les procédures de recrutement des enseignants-chercheurs par les comités de sélection des universités, la 21e section du CNU s’associe à l’initiative wiki auditions » (sources : https://ahmuf.hypotheses.org/5527 ; https://afhe.hypotheses.org/suivi-des-recrutements). Premiers signataires Anne-Catherine Baudoin (ENS Paris) Aurélien Berra (univ. Nanterre) Nicolas Bertrand (univ. Nice) Sergio Brillante (univ. Reims – univ. Bari) Anne Boud’hors (IRHT) Elisabeth Buchet (univ. Paris Sorbonne ; collège Gabriel Péri, Bezons) Alain Christol (univ. Rouen) Aude Cohen-Skalli (CNRS, Aix-Marseille Université) Fernand Delarue (univ. Poitiers) Marie-Françoise Delpeyroux (univ. Montpellier) Hélène Dessales (ENS Paris) Pauline Duchêne (univ. Nanterre) Emmanuel Dupraz (EPHE) Edouard Felsenheld (CPGE) Frédérique Fleck (ENS Paris) Julie Gallego (univ. Pau) Camille Gerzaguet (univ. Montpellier) Victor Gysembergh (FU Berlin) Dimitri Kasprzyk (univ. Brest) Peggy Lecaudé (univ. Lille) Marie-Françoise Marein (univ. Pau) Lionel Mary (univ. Nanterre) Guillemette Mérot (univ. Paris 3) Jean Meyers (univ. Montpellier) Sylvain Perrot (académie de Strasbourg) Camille Rambourg (ENS Paris) Judith Rohman (ENS Paris) Jean Trinquier (ENS Paris) Eléonore Villalba (univ. Paris Sorbonne ; collège Nicolas Flamel, Pontoise) Julien Zurbach (ENS Paris)
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Le thème de ces Etats généraux est la transmission de l’Antiquité à l’heure de la mondialisation. L’enseignement de la culture et de la langue antique se concentrent sur les civilisations grecques et romaines dans le secondaire, ainsi que sur les civilisations du Moyen et du Proche-Orient. Cependant, ces enseignements restent centrés sur un espace restreint du globe. Ne serait-il pas intéressant et plus logique, dans cette idée de mondialisation, d’introduire l’enseignement de l’Antiquité à travers d’autres prismes, Chine, Asie de l’Est ou encore Europe du Nord, afin de construire une vision du monde plus complète ?
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Pourquoi peut-on considérer que l’apprentissage de la culture antique permet d’inculquer des valeurs humaines que des exemples modernes ne permettraient pas ?
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Pourquoi limiter l’enseignement des valeurs humanistes de l’Antiquité aux langues, littérature et histoire anciennes, en particulier dans l’enseignement secondaire ? Comment les enseigner dans d’autres sciences humaines ou dans les sciences « dures », les rendre transdisciplinaires ?
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Comment enrayer la suppression des postes de professeurs de Lettres Classiques et l’enseignements des Lettres Classiques ?
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– Si par humanisme on entend redécouverte, individuelle et collective, de l’Antiquité, rejet des préjugés (y compris sur le caractère élitiste du latin et du grec), partage et circulation des connaissances, diffusion dans l’espace européen (et aujourd’hui extra-européen) renouvellement des traductions, lecture des textes, nouvelles pédagogies, valorisation de l’éducation et réflexion sur l’homme, quels moyens éducatifs peuvent-ils le plus efficacement servir cet objectif ?
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Quelle importance donner à l’enseignement de la langue ancienne face à la découverte du monde antique ? Ne vaudrait-il pas mieux valoriser la découverte de la culture antique pour susciter l’intérêt de la langue et non le contraire ? (-Hypokhâgne lycée Descartes Tours)
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Comment concilier initiation aux civilisations et cultures antiques et apprentissage de la langue ? Peut-on repenser l’humanisme antique sans passer par l’apprentissage des langues anciennes ?
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L »humanisme hérité de l’antiquité n’est -il pas d’abord constitué de textes qui n’en finissent pas de poser des questions, parce que justement d’emblée soustraits aux pressions exercés par les sociétés et leurs modes de fonctionnement ? N’y at-il pas un risque en focalisant l’enseignement de la culture antique sur une approche trop systématiquement anthropologique ou civilisationnelle d’amoindrir l’apport littéraire et philosophique de ces textes, lequel, par ailleurs, peut difficilement se passer d’une maîtrise des langues dans lesquelles ont été produites les œuvres?